Ou quand, au nom de la culture du côlon, un beau mot d'Europe de l'Est rime avec scato (ça ne vous rappelle pas quelqu'un ?, enfin, aujourd'hui, ce n'est pas lui le sujet). Bon, pourquoi tant de dédain ? Parce qu'hier-nuit, j'ai regardé 'Ce soir ou jamais', l'émission de culture au champagne introduite par le générique jazzy le plus vomitif de la planète et présentée (ou subite, à vous de juger) par Frédéric Taddeï entre deux bafouilles.
Au menu consommé hier-nuit, le Tibet et le cinquième anniversaire du campement américain dans le bourbier irakien.
En guise d'invités, nous avions, de gauche à droite du présentateur:
Thierry Levy, un avocat pas encore vraiment vieux mais déjà embaumé, qui avait la malheureuse manie de tenir des propos intelligents et calmes aux moments les moins opportuns, voire même les plus mal choisis possibles,
Sophie Bessis, une historienne aux faux airs et mimiques méprisants de conseillère d'éducation (si, si, vous savez, ces gens-là qui sont en compétition avec le porte-parole officiel de l'amicale franco-danoise des coquilles Saint-Jacques de course de fond pour le titre de 'plus inutile qu'un autocollant ''pas de pub svp'' sur une boîte aux lettres'...),
Jean-Jacques Beinex, le cinéaste qui maîtrise les symptômes le la rage à volonté (sauf que précisément il ne maîtrise pas ce qu'il veut) et qui cultive cette faculté à se forger des opinions radicales à partir d'un minimum d'informations et à les hurler en bavant dès qu'une opportunité citée par un autre se présente comme s'il l'avait trouvée tout seul,
Raphael Enthoven, le jeune philosophe très suffisant qui, comme nombre de ses confrères, croit détenir la vérité des sages et croit pointer des 'paradoxes' (ils adorent ce mot, parce que eux, les philosophes, ne font jamais de paradoxes, seulement des contradictions constructives qui servent toujours leur propos... vous ne me croyez pas ?) là où il n'y a en fait qu'un argument mal exprimé ou mal compris,
Robert Maggiori, un combiné journaliste-philosophe au-dessus de la trentaine, qui a eu le bon goût de s'interroger de vive voix uniquement lorsque le sujet stagnait sur des polémiques générales et communément admises qui ne nécessitaient pas de connaître en détail la situation, à la grande différence de:
Christophe Donner, l'écrivain rasé à peau de latex pas encore sec, presque muet, sourire figé en coin, qui, quand il ouvrait enfin son caquet en rictus, se disait personnellement impliqué et informé, en tout cas, sans aucun doute plus que quiconque l'entourant, mais refusait à tout prix d'en dire plus, ce qui en a rapidement fait à mes yeux un nullard mythomane qui se cache plus ou moins lamentablement derrière des questions incongrues et décalées et des affirmations invérifiables...
Et enfin, Guy Millière, le géopolitologue pro-bélligérant en costard trois pièces dont la troisième pièce en question était un blouson de cuir brillant, qui tenait dès le départ le mauvais rôle du soutien à la droite américaine conservatrice, mais aussi libérale, et quand même démocratique, de Bush et de McCain...
Bon, je n'irai pas jusqu'à faire un compte-rendu détaillé d'une émission qui n'en vaut pas le coup, alors je vais me contenter de vous faire un petit résumé commenté des 'meilleurs' moments:
Dès le début, la présentation des invités de et par Frédéric Taddeï nous fait part du beau gratin affalé et hautain qui va se délecter à livrer débat.
Ensuite, premier sujet, le Tibet, et première erreur, Thierry Levy entame, en expliquant plus ou moins maladroitement, que si la France et les autres se contentent de 'retenue' (ce qui était prêt à être vertement critiqué, à qui mieux mieux, c'est tellement agréable de se défouler pour la bonne cause !), c'est parce qu'il est délicat de prôner le respect des Droits de l'Homme chez les autres quand, d'une, on ne les respecte même pas dans nos prisons, et de deux, on s'adresse à un partenaire économique de poids... Evidemment, comme ce type de couplet moral digne du tombeau sénatorial coupait court à une série de glaviots, par surdité précoce, par manque congénital de neurones actives, par incompréhension de la langue française ou tout simplement par mauvaise foi, Raphael Enthoven s'est empressé de trouver un paradoxe, Jean-Jacques Beinex, à la tête des frustrés de service, s'est fait un plaisir de l'accuser d'empêcher tout le monde de condamner les exactions chinoises au Tibet sous prétexte que l'on est pas soi-même immaculé, et Guy Millière de rajouter qu'il y a bel et bien une hiérarchie dans les actes (ce qui allait lui retomber sur le coin du nez un peu plus tard), une détention misérable ne vaut pas une balle dans la tronche à bout portant, un renvoi aux frontières en pleine nuit devant les enfants n'égale pas la disparition de 6000 temples sur 6200 en quelques années seulement... A peine entendra-t-on Robert Maggiori (le seul à avoir bien voulu comprendre ?) nous rappeler que c'est n'est pas parce que l'on a pas la conscience très tranquille en France que la France ne doit pas s'exprimer plus ouvertement, et que dans le même temps, on ne doit pas se focaliser sur le régime chinois pour ignorer doucement notre situation...
Bref, on passe, à mon avis, à côté des vrais sujets, parce que si le paragraphe 'balaye devant ta porte avant d'invectiver ton voisin' est légitime, il n'est que 'modérateur' et ne constitue pas le problème en soi, on oublie d'expliquer que la Chine (comme bien d'autres, notamment en France-Afrique) est un régime communiste autoritaire soutenu économiquement par les démocraties occidentales, on oublie de dire que la répression au Tibet (et ailleurs) n'offusque et n'intéresse que lorsqu'une vague d'images nous arrive (quand j'étais gamin, il y avait déjà ce même 'tapage' d'intellectuels, de vedettes, de concerts de soutien, là, on y a pas encore eu droit je crois, il semblerait que ce ne soit plus la 'mode', et dans le principe, je trouve ça plutôt bien, je déplore simplement l'absence de suivi, il s'est passé la même chose avec le conflit en Afghanistan, seule ARTE a couvert et couvre toujours le sujet régulièrement, pendant des années, quand les autres se sont éloignés puis focalisés sur le gore irakien...), on oublie aussi (surtout) d'expliquer le Tibet, une région, une culture, une religion dominante, un dalaï-lama à double casquette qui représente et la religion et le gouvernement (pacifique) de cette région, un mouvement indépendantiste qui serait prêt à prendre les armes si le dalaï-lama continuait d'échouer, etc. bref un Tibet réaliste, et non pas un Tibet de journal télévisé...
Après quoi, on passe encore au niveau supérieur avec le lynchage programmé de Guy Millière pour le cinquième anniversaire du débiteur à viande en Irak. Débit de banalités teintées de connerie pour commencer. On arrive enfin à la question fatidique: est-ce que vous pensez 'vraiment' que la guerre en Irak a été bénéfique ? Eh ben ouaip mon p'tit gars, parce que la guerre en Irak a libéré une population opprimée et massacrée du joug d'un dictateur et de sa clique qui ont été destitués, jugés, et condamnés par un état démocratique irakien, qui balbutie encore mais fait des progrès, parce que l'enjeu en Irak n'est pas simplement celui d'un pays mais d'une région qui pousse jusqu'au Moyen-Orient, infestée par l'islamisme radical moyenâgeux, qui depuis, est en baisse, perd de sa popularité, et d'ailleurs Ben Laden n'est plus un héros, na !
Et là, c'est un florilège, chacun attaque, persiste et signe en essayant d'être le plus mordant et le plus remarqué à défaut d'être le plus remarquable, Raphael Enthoven pose les questions rebattues mais piégeuses, pourquoi Colin Powell a-t-il menti délibérément au sujet des armes de destruction massive face à l'ONU pour justifier une guerre et finalement passer outre son refus ?
- Oui, mais vous n'auriez pas accepté et puis tous les services secrets, y compris français, savaient que c'était faux,
- Ce ne serait pas une guerre idéologique avec des enjeux pétroliers par hasard ?
- Argh
Et Sophie Bessis de rajouter (c'est pas dans l'ordre) que le seul coin de la région où il n'y avait précisément pas d'islamisme radical, c'était bel et bien en Irak parce que Saddam les envoyait chez le tout-puissant plus vite que la lumière, et qu'il ne reste donc que les enjeux pétroliers (et pas le dictateur suscité, étonnant, n'est-il pas ?), sur ce, Robert Maggiori demande si une guerre (sainte) contre l'Islam (et non l'islamisme, cela a son importance, et il n'en était pas dupe) justifiait les tortures américaines, et avant que Guy Millière n'ait vraiment le temps de répondre en justifiant la torture américaine comme n'étant que du 'waterboarding' occasionnel, une pratique plutôt sympathique au regard des supplices commis par le régime irakien qu'ils combattent justement, l'opportuniste Jean-Jacques Beinex se lance à corps perdu dans le grand amalgame de l'Histoire en évoquant la technique de la baignoire et Jean Moulin, traite Guy Millière de fou, harcèle Thierry Levy tombé depuis une petite heure dans un coma culturel profond en lui demandant, sans lui donner le doit de réponse, comment il peut accepter que Guy Millière justifie la guerre en Irak salie par la torture à la baignoire alors qu'il n'accepte pas que l'on parle de l'oppression tibétaine parce que nos prisons sont parmi les pires d'Europe...
Vient renchérir Christophe Donner, le grand mythomane, avec notre bon vieil Hitler, qui a encore de beaux jours devant lui comme bouc émissaire aux grands maux de ce monde, même pulvérisé depuis une soixantaine d'années pour le grand bien de tous, et qui, une fois qu'il est enfin entendu (et pour cause), il prend à parti Guy Millière, et assurant à tous qu'il connaît de manière très intime la situation irakienne mais refuse d'en dire plus quand Frédéric Taddeï intervient enfin, affiche son rictus de demi-dieu satisfait et finit par lâcher une question sans début de réponse sur la nouvelle situation des chrétiens au Moyen-Orient, sans que qui ce soit n'intervienne sur le sujet...
Tout ce merdier se termine en eau de boudin.
Une fois de plus, les sujets à traiter sont passés à la trappe, on critique allégrement la décision et les résultats de la guerre américaine en Irak sans jamais évoquer d'alternative plus viable que 'non, on ne la fait pas' (comprenez-moi bien, depuis le début, je suis opposé à cette guerre, pas par pacifisme d'occidental bien au chaud, mais parce que, quel que soit l'angle sous laquelle elle pouvait être considérée, elle était toujours louche et inacceptable, entourée de mensonges et d'intérêts non démocratiques, et au final, la destitution de Saddam Hussein ne pouvait être ni considérée comme la raison majeure, ni un dommage collatéral suffisant. Sauf que l'attitude de l'ONU, et notamment de la France, qui tendent toujours au dialogue, a ses limites, discuter pendant deux, trois ou quatre ans en obtenant de vrais progrès, d'accord, mais au bout d'un moment, il faut savoir s'affirmer... Saddam Hussein sévissait au moins depuis le début des années 80, la répression tibétaine date des années 50, le conflit israélo-palestinien aussi, et ils se tapent toujours sur la gueule...). Bref, cette émission m'a laissé un sentiment désagréable avant de dormir, pire que celui d'avoir simplement perdu son temps, pire que la simple amertume...
C'est un peu comme si vous croyiez encore en la politique (si, si, il en reste) et que vous assistiez à un 'débat', qui aborde toujours un sujet de cette manière:
- Oh, vous la gôôche, de toute façon, quand vous étiez au pouvoir, vous n'avez fait qu'empirer la situation !
- Et vous la droite, vous pouvez parler, tiens, qu'est-ce qu'il fait, en 1632, le beau-père du filleul de la couille du président de la coopérative du Bourguignon dans l'affaire désastreuse du...
- Non, mais messieurs, ce n'est pas le sujet, nous parlions de l'avenir de l'industrie lourde en fonction des enjeux écologiques actue--
- Oh toi, le Centre, t'y connais quoi à l'écologie, t'es déjà pas foutu de savoir si t'es à gauche ou à droite
- Mais c'est normal, je suis au Centre, moi !
- Si tu le dis... Cette année, tu votes à gauche ou à droite ?
- ...
- Alors, comme je disais, ne me rabattez pas les oreilles avec cet incident isolé, et rappelez-vous plutôt qui réfutait déjà en bloc la réalité économique de l'empire romain !
- Ah ben oui parlons-en... Qui a écrasé les syndicats gaulois face à la concurrence déloyale Wisigoth, hein ? Hein ?
Ah, ça y est j'ai trouvé, c'est un peu comme si vous veniez de sauter à pieds joints et la bouche ouverte dans une merde de chien... Bon, me direz-vous, il aurait suffi de zapper, mais dans le fond, je désapprouve, ça revient à s'autocensurer par égard pour autrui, par ailleurs inquantifiable, mais dans la forme, vous avez raison, j'aurais mieux fait...
Post scriptum #1 : je n’ai pas revu l’émission depuis hier soir et c'est bien entendu une critique subjective et personnelle...
Post scriptum #2 : il y a bien évidemment droit de réponse…
mercredi 26 mars 2008
Intelligentsia caca
écrit et dessiné ou photographié par
Starbeuck
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