mercredi 7 mai 2008

Sécurité routière


Ce matin, aux infos, j'ai eu une petite lueur d'espoir. Ils annonçaient la présentation de la nouvelle campagne de traumatisation de la sécurité routière.
Je m'attendais donc assez logiquement à voir un ado de 15 ans partant rejoindre sa petite copine sur son scooter qui allait s'exploser au ralenti contre un poids-lourd portugais, à un ramassage des morceaux de corps à la pelleteuse et à l'aspirateur ramasse-miettes pour les bouts de cervelle et les doigts, sous les psalmodies du curé de la famille, puis à une autopsie au marteau-piqueur en présence des jeunes parents, de ses deux petites soeurs jumelles de moins de 9 mois, et de la petite copine en question, le tout avec une petite chanson de Mano Solo, le type qui déprime même quand il pète... histoire de rester dans la veine des campagnes de pub chocs diffusées aux heures de grande écoute avec la bénédiction du C.S.A. (à se demander quand est-ce qu'il leur arrive de bosser à ceux-là).
A la place, une fiction tragique, un coup de téléphone de trop, une vie qui s'effondre. Ca claque, mais ça reste décent, et surtout, on se dit que les jeunes mineurs (parce que 17 ou 19 ans, aucune différence sinon légale), qui ne sont à priori pas habitués à recevoir des nouvelles graves par combinés interposés, pourront sans aucun doute comprendre sans pour autant apprécier à sa juste valeur le côté traumatisant de la pub alors même qu'elle ne les concerne que très indirectement puisqu'ils ne conduisent pas, et que même si on les sollicite de plus en plus, ce n'est pas à eux d'éduquer les conducteurs. Au moins, le CSA pourra s'abstenir d'être à côté de la plaque une fois de plus.
Seulement voilà, la pub a formellement changé, mais pas le fond, ni le débat qui se traîne avec. Ni les actions sur le terrain. Une fois de plus, on nous parle des Jeunes (cette race écervelée et suicidaire), de la vitesse (forcément au-dessus de celle autorisée par la loi, sinon, c'est pas de la vitesse, c'est... c'est... faudra trouver un autre mot de désinformation pour ça), et des efforts à faire pour que le nombre de morts continue de baisser. Alors, pour ceux qui ne me connaissent pas en vrai, voici ce que j'en pense.
Et autant y aller les deux pieds dans le plat. Contrairement à ce qui est quasi-systématiquement avancé, la vitesse n'est que rarement la cause première des accidents. C'est un facteur aggravant, très aggravant s'il en est, même fatal, point.
Les causes premières d'accident, ce sont l'absence de clignotant quand on double ou quand on sort d'un rond-point, les grillades de feux rouges, le non-respect des distances de sécurité, les queues de poisson par connerie ou par vengeance, la négligeance pure et simple du coup d'oeil dans les rétros, le gros coup dans le nez ou le joint au coin du bec, le téléphone dans la main droite, les papotages animés au détriment de l'attention nécessaire à une bonne conduite, les voitures mal entretenues, et j'en passe des plombes, toutes plus communes et quotidiennes les unes que les autres.
Alors pourquoi stigmatise-t-on la vitesse ?
D'une, parce que pour s'attaquer efficacement aux causes sus-mentionnées, il faudrait que les autorités soient au moins capables de les respecter (vous avez déjà vu une voiture de police mettre un clignotant ?), que les autorités en question soient formées (avec un vrai recrutement par concours, un concours qui ne se limite à un test d'alphabétisation, un recrutement local pour que les fonctionnaires connaissent au moins un peu le terrain et les moeurs, et pas un recrutement via les inventaires de jeunes ex-mineurs passés en garde à vue histoire de faire baisser à court terme les taux de jeune délinquance), en nombre suffisant, et bossent, placés en veille aux feux tricolores et aux rond-points, postés inopinément en barrage aux extrémités des rues avec sortie de boîte de nuit pour contrôler tout de suite ceux qui sortent, au lieu d'essayer de poursuivre une Golf IV gonflée à bloc, conduite par un bourré qui n'a plus peur de rien, etc....
De deux, parce que ça a un coût, et que dans un système libéral, mieux vaut prévenir que guérir, certes, mais seulement si ça paye, sinon, autant faire marcher la concurrence entre assurances, entre pompes funèbres, entre fabricants de cercueils, entre fleuristes, entre graveurs-doreurs sur marbre, et j'en passe. Alors que des radars automatiques judicieusement plantés à la sortie des voies d'accélération, ça rapporte, ça nécessite que très peu de fonctionnaires très peu compétents, et même si ça ne sert pas à grand-chose, au moins, on peut dire qu'on a fait quelque chose, et en faire tout un plat à grand renfort de discours politiciens. On pourrait aussi mener des actions efficaces contre les pochards au volant, mais bon, nettoyer les rangs de la gendarmerie et risquer de plomber le secteur viticole déjà mal en point pourtant fierté française, ça ne ferait pas bon genre...
De trois, parce que socialement et politiquement, il est plus simple de créer des boucs émissaires plutôt que de s'en prendre au coeur du problème, de s'attaquer aux classes actives (et rentables) et aux fonds de pension un peu conservateurs. Il est plus facile de gronder les petits jeunes comme des adolescents qui n'ont pas fini de se rebeller en roulant trop vite plutôt que de dire à tout un chacun qu'il conduit dangereusement et qu'il serait temps qu'il se reprenne. Il est plus facile de se concentrer sur un facteur aggravant mais réductible (la vitesse) que sur de vraies causes indéniablement ancrées dans les comportements quotidiens de beaucoup (les distances de sécurité ? allez faire un tour sur le périphérique des grandes agglomérations histoire de compter les millions de clampins à rééduquer; le clignotant ? pour les dérapages à 180° au frein à main par nuit noire; le portable ? mais comment faire sans ? l'alcool ? et pourquoi pas interdire de fumer dans les lieux publics tant qu'on y est ? ah, c'est déjà fait...).
Mais, pourrait-on me rétorquer, et en général on ne se gêne pas, il y a les chiffres officiels. Ils ne peuvent pas mentir (ils n'oseraient pas, quand même). Soit. En revanche, on en est pas à un ou deux amalgames près. Comme la case jeune qui englobe les 15-24 ans, alors que la conduite accompagnée ne démarre qu'à 16 ans, la conduite limitée (si, si, vous savez, 80 km/h au lieu de 90, 110 au lieu de 130...) à 18 ans pendant deux ans, et que sincèrement, il y a plus de chances qu'un gamin de 15 ans se retrouve pris dans un accident de voiture conduite par son père au-delà de la trentaine qui s'est mis un coup dans le nez de trop pendant un dîner d'amis, que dans une voiture par sa soeur pas très nette qui revient de boîte de nuit à 6 heures du matin et l'emmène au collège... Ou encore, les bilans d'accidentologie qui insistent sur le nombre de tués qui baisse mais qui oublient de dire que le nombre de blessés graves et d'handicapés à vie a fortement augmenté...
Vous voulez savoir pourquoi ? C'est tellement logique qu'il est affligeant de voir à quel point la propagande d'état fonctionne aussi bien, ou le bon sens aussi peu. Prenez une autoroute à deux voies, un camion sur la voie de droite, une voiture qui arrive derrière, et une seconde plus rapide qui double les deux sur la voie de gauche. La voiture derrière le camion se décale, sans regarder dans ses rétros, sans évaluer la distance de celle qui arrive derrière, sans mettre de clignotant, sans déboîter pour avoir de la reprise en cas de souci alors qu'elle est en sous-régime, un cas de figure somme toute banal. Premier cas, la voiture de derrière lui rentre dedans à 200 km/h, deux morts; second cas, elle la percute à 160 hm/h dans le flanc et l'aile gauches, deux blessés graves; troisième cas, elle défonce l'aile gauche aux 130 km/h autorisés, beaucoup de dégâts matériels mais seulement deux blessés pas vraiment graves... Conclusion officielle, si la seconde voiture avait roulé moins vite, le bilan serait moins lourd, donc la vitesse cause des accidents. Conclusion de bon sens, si la première voiture avait bien conduit, regardé dans ses rétros, vu qu'une voiture arrivait, ralenti ou stabilisé sa vitesse, mis son clignotant pour signaler son intention de doubler le camion de manière à ce que la seconde qui double se montre plus prudente encore, déboîté pour avoir de la reprise, alors il n'y aurait pas eu d'accident, quand bien même la seconde aurait roulé à 250... la vitesse est donc un facteur (très) aggravant, mais pas une cause première. Alors, oui, on a réduit la vitesse, mais on n'a pas vraiment réduit ni les causes ni le nombre d'accidents, du coup, on a remplacé des morts par des blessés graves.
Et si vous estimez que cela n'est que théorique, prenez donc le cas des autoroutes allemandes. Il n'y pas de limitation de vitesse sauf mention contraire, en revanche, tout comportement dangereux est sévèrement puni. Autant vous dire que si vous doublez par la droite par traffic normal ou négligez vos clignotants, vous risquez de le sentir passer. Si par contre vous conduisez bien, peu importe la vitesse. Logique. Et non, ils n'ont pas plus de morts que nous, même mieux, ils ont établi un système entre l'automobile-club et le S.A.M.U., l'A.D.A.C. qui s'occupe en des temps records de signaler quelque souci que ce soit, aux autorités notamment, de dépanner les automobilistes ou de secourir les accidentés, avec leur propres véhicules et hélicoptères si besoin... et donc des blessés pris en charge au mieux et au plus tôt.
A bon entendeur, salut.

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