mercredi 9 juillet 2008

Ces pneus qui flambent...

Ça faisait longtemps que nous n'avions pas eu de conflit entre un patron et ses sous-fifres, pardon, salariés (cynisme, quand tu nous tiens...). En ce moment, c'est Goodyear. Ils ont bien fait les choses, pour attirer les médias qui auraient pu se lasser des sempiternelles pancartes au marqueur, ils ont cramé des pneus, avec la bagnole qui allait avec, ont installé un climat de « dangerosité » obligeant le patron à fermer l'usine, et pour pimenter le tout, les syndicats s'opposent, ça change du classique entre patron invisible à langue coupée et salariés énervés un peu beaufs. Faut dire que notre Petit Teigneux avait donné le ton en se gargarisant devant ses fidèles que désormais une grève en France passait inaperçue ou presque. Qu'à cela tienne, chez Goodyear, on a du répondant et le briquet facile.
Bon, spécialité française mise à part, quel intérêt ?
Eh bien, je m'interroge sur le rôle des médias, et plus particulièrement des journalistes tv, dans ce type d'affaire.
De manière générale, s'il y a une manifestation ou un caractère ouvertement choquant, honteux, il y a média. Si quelque chose crame au point de s'incruster dans le goudron chauffé en produisant une grosse fumée noire qui tue tout animal de moins de vingt kilos sur son passage, ça fera de belles images. Si 32 camions-benne dévident quelques tonnes de pommes devant la chambre de commerce et d'industrie en plein mois d'août avec un lâcher de porcs affamés pour l'occasion, les médias resteront peut-être même jusqu'au lendemain pour guetter les rats qui attaquent les pigeons. Le top du top qui vaut carrément le déplacement de la caméra hd, c'est la séquestration du patron dans la petite salle de réunion. Si le patron reste calme à regarder YouTube sur son portable toute la mâtinée, c'est râpé, tout le monde se sera tiré après-manger. Si le patron y passe la journée, qu'il dort par terre à même la moquette et qu'il se réveille devant les caméras le lendemain avec une tête dans le cul exemplaire, ça sent déjà l'audience, et peut-être même une émission-débat ou deux sur les méthodes poussives des syndicalistes. Encore mieux, si le patron est impulsif tendance claustro, qu'il fait les mille pas, pète un plomb, se tape la tronche contre la baie vitrée en verre résillé, s'égosille des heures durant en traitant tous ses employés de lopettes, jusqu'à ce que, panacée du réalisateur, les grévistes tortionnaires lui ouvre la porte pour reprendre les négociations avec Do-Bébert-man, le pilier droit du contrôle qualité, le bâtisseur de cathédrales, le super saiyen local, dont la légende du village raconte, que tout petit déjà, il mangeait ses céréales avec un démonte-pneu de tracteur... du pain béni.
Bon, j'en arrive à ma vraie question. A cette occasion, on parle des tendances politico-économiques, des actions politiques des uns et des autres (c'est une opportunité de plus de se critiquer), la très partielle représentativité des syndicats, la corruption des dirigeants (c'est d'ailleurs le cas cette fois aussi me semble-t-il, puisque les élections au sein de l'entreprise auraient été truquées...), la critique généralisée, et étonnamment unanime dans ces cas-là, de l'ultra-libéralisme mondialisé, les salaires, primes de départ et parachutes dorés faramineux, les contradictions entre bénéfices annuels et restructurations toujours à la baisse, etc. autant de considérations légitimes, mais toutes ne sont pas primordiales.
En revanche, la question que personne ne pose, que personne ne remet en question, c'est le professionnalisme du patron. Quand est-ce qu'un journaliste aura assez de couilles (et/ou de liberté)(ou assez de gueulante, pour les journalistes femmes) pour critiquer le travail des patrons, parce que patron n'est pas un statut social, c'est un boulot, et un certain nombre d'incompétents le fait très très mal. Si le bénéfice est la condition de vie intrinsèque à l'entreprise, la gestion d'une entreprise ne se limite à cette seule condition, et visiblement, un sacré paquet de costards-cravates l'ont oublié. S'ils l'ont jamais su.

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